Agilité et créativité, une combinaison gagnante
L’agilité, dont je parle ici, est avant tout une méthode simple, rigoureuse et structurée, qui permet de mieux gérer les projets informatiques.
En quoi cette méthode agile favorise-t-elle la créativité ? A moins que ce ne soit la créativité qui permette à une équipe ou une organisation d’être plus agile ?
Une démarche agile
A partir d’un objectif et d’un résultat attendu, le fondement d’une démarche agile est de découper le projet en petites étapes (appelées des itérations, d’une durée de 2 ou 3 semaines) : c’est la stratégie des petits pas.
L’équipe projet se fixe des objectifs intermédiaires et évalue s’ils sont atteints, une première étape pour atteindre un premier résultat qui sera ajusté si nécessaire.
Pour illustrer cette démarche, je prendrai un exemple en dehors de l’informatique.
J’ai eu le plaisir d’aller dîner à la Maison des bois de Manigod, chez Marc Veyrat et d’échanger avec l’artiste sur la façon de créer un plat.
Il m’expliquait, par exemple, que lors d’une balade en forêt après la pluie, saisi de sensations olfactives fortes (odeurs de l’humus, de bois mouillé, des feuilles ou des champignons…), il a voulu mettre toutes ces odeurs sous les papilles ; il imagine alors le produit « packagé », comme il dit, c’est-à-dire, la forme, les couleurs, et la façon dont il sera servi dans l’assiette. L’exemple, c’est le bonbon d’azote avec la mise en scène autour du service : Veyrat avec son chapeau, la marmite qui bouillonne, la vapeur blanche qui s’en échappe… et tous les arômes qui se libèrent une fois le bonbon dans la bouche, pour le plus grand plaisir du convive.
Ensuite, il passe à la conception, le choix des ingrédients, la mise au point de la recette, avec de nombreux tests… et de nombreux ratages, aussi, souvent dans la douleur.
Cette anecdote montre, qu’en gastronomie comme en informatique, il est illusoire de penser qu’on peut imaginer, concevoir et réaliser un produit du premier coup ; la démarche est celle de l’essai/erreur : on a une idée, on se lance, on « teste », on améliore le produit, qui émerge au fur et à mesure.
L’agilité de la démarche, qui ne fige pas les choses dès le départ, donne l’occasion de faire preuve de créativité, à chaque étape, tout au long du processus de fabrication, pour trouver la meilleure solution.
Créativité et collaboration
Mais la créativité des acteurs n’est pas sollicitée uniquement pour développer le bon produit. Les méthodes agiles proposent de nombreuses pratiques collaboratives qui incitent, de fait, à travailler en équipe ; des rituels réunissent très régulièrement les membres d’une équipe pour planifier collectivement les étapes du projet, pour en suivre quotidiennement l’avancement ; une rétrospective à la fin de chaque itération les invite à améliorer leurs modes de fonctionnement.
La créativité de chacun est donc sollicitée et stimulée par la dynamique du groupe pour :
- Co-construire une vision commune et s’aligner sur le but à atteindre, à moyen terme et à chaque étape intermédiaire,
- Ajuster le processus de travail en étant actif dans la prise de décision,
- Faire face à un obstacle ou une difficulté et résoudre, ensemble, les problèmes,
- S’autoriser à prendre la parole et exprimer un point de vue différent, pour proposer une voie nouvelle peut-être pas envisagée précédemment,
- Inventer de nouveaux modes relationnels pour favoriser la co-créativité.
Agilité et créativité
Comment cette créativité est-elle possible ?
Par la démarche essai/erreur
Laisser la place à l’innovation ; apprendre de ses expériences et capitaliser permet de mieux anticiper les changements imprévisibles ;
Par le droit à l’erreur accordé
Combien de ratages pour un succès ? Combien de tâtonnements, de changements, de réglages pour mettre au point le produit final ? En acceptant que tout ne soit pas écrit d’avance, en acceptant l’incertitude, de fait, on donne le droit à l’erreur : et c’est ce droit à l’erreur qui laisse la place à l’initiative et à l’innovation. Sans droit à l’erreur, il n’y a pas de prise de risque, donc pas d’innovation ;
Par la responsabilisation et l’autonomie de l’équipe
Au sein de laquelle chacun est invité à être force de proposition et en recherche de petites innovations/décisions permanentes ;
Par les pratiques collaboratives
Qui font émerger une intelligence collective : les acteurs sont contraints d’être allocentrés (tournés vers les autres, et non plus egocentrés), de se parler, d’avoir des confrontations positives et constructives ; ces confrontations des idées et des points de vue entraînent notre cerveau à être plus créatif ;
Par l’approche ludique
De certaines techniques d’animation de réunion, les innovation gamesInnovation Games, Luke Hohmann, Addison Wesley, 2006, particulièrement appréciés des équipes agiles : chacun se reconnecte alors avec l’enfant spontané qui est en lui, pour puiser dans sa créativité et son imagination ;
Par la posture managériale
Qui donne une certaine forme de « pouvoir » aux équipes ; le manager n’est plus omniscient et omnipotent, mais un servant leader qui crée les conditions de la créativité pour son équipe.
Grâce à l’agilité de son fonctionnement et sa créativité, une équipe ou une organisation est capable de s’adapter à son environnement changeant (enjeu économique).
Sur le plan humain, l’agilité et la créativité créent du lien, motivent et redynamisent les équipes (enjeu humain).
Enfin sur le plan managérial, l’agilité s’accompagne de nouvelles pratiques, novatrices elles-aussi. Le management agile offre t-il un nouveau paradigme managérial ?
A lire, en complément :
Compte-rendu du 10ème colloque inter-disciplinaire de l’EMCC, « La créativité comme levier du coaching », février 2014