De la confiance… à tous les étages (1)
Une organisation agile s’appuie sur son intelligence collective et ses pratiques collaboratives pour anticiper, se remettre en question, innover; la valorisation des personnes et la priorité donnée à la qualité de leurs interactions sont ses atouts premiers pour offrir une adaptabilité rapide aux changements de son environnement.
Mais quel est l’ingrédient indispensable à cette agilité ? La confiance.
La confiance c’est ce sentiment agréable, cet état dans lequel chacun sent qu’il peut dire, qu’il peut faire, qu’il peut s’affirmer, qu’il peut être lui ou elle. A l’inverse de la peur, qui génère un sentiment d’insécurité, désagréable, qui contraint, freine voire inhibe.
Quand l’organisation affiche un climat de confiance collective, c’est qu’elle a cultivé « l’art d’abaisser les peurs, les inhibitions, la rugosité des relations humaines et d’augmenter le niveau d’engagement au service de la performance [1]. » Et là, on touche à ce que chacun a de plus profond et de plus intime en soi.
En effet, la confiance et la peur sont les deux expériences primaires auxquelles est confronté tout être humain au cours de son existence. Aborder ce sujet complexe et intime peut paraître intrusif dans la sphère professionnelle.
Et pourtant, la confiance collective ne peut se construire qu’à partir de la confiance de chacun. Comment faire confiance aux autres si l’on ne se fait pas confiance ? Comment avoir confiance si les autres ne nous accordent pas leur confiance ?
La confiance, ça commence par soi : elle se développe à l’intérieur pour se propager à l’extérieur.
La confiance, « le facteur qui change tout »[2]
A qui faites-vous confiance dans votre entourage, privé ou professionnel ? Qu’est-ce qui vous inspire confiance chez ces personnes ? Réciproquement, qui vous accorde sa confiance ? Quelle est la qualité de la relation avec ces personnes ? Comment communiquez-vous avec ces interlocuteurs ?
Évidemment, les réponses à ces questions sont très personnelles, tout comme les critères qui nous permettent d’accorder notre confiance.
Mais ce que nous partageons tous, c’est le bien-être à être en confiance. La relation aux autres est plus légère, n’est-ce pas ? Notre communication est plus simple, plus directe. Naturellement, nous aurions envie de nous faire confiance mutuellement. Notre énergie, libérée, est, dans ce cas, dépensée utilement pour développer une relation, échanger, confronter, proposer, créer, faire avancer…..
Ce sentiment de liberté nous donne des ailes ; « [elle] favorise l’innovation, la mobilité et l’initiative » (Alain Peyreffite) et au final, la performance, individuelle et collective. Les processus mentaux s’accélèrent : imagination, créativité, goût du risque, humour, courage, intuition, confiance en soi.
Cette confiance qu’on nous accorde est une marque de reconnaissance, reconnaissance de qui nous sommes, de notre intelligence, de notre capacité à.
Imaginons que dans nos organisations, on fasse a priori confiance à chaque collaborateur considérant qu’il est intelligent, consciencieux, organisé, responsable, réactif, honnête, sérieux…, quel intérêt aurait-il à être tout le contraire ? Seuls 3% des individus seraient des « tire-au-flanc » ! Plus l’organisation renvoie une image positive à chacun de ses collaborateurs, plus ces derniers ont de chance d’incarner réellement cette image et d’avoir des comportements dignes de cette confiance (effet Pygmalion).
Et s’il n’y a pas de confiance ?
Pourquoi, alors, la confiance, en général, se limite-elle à un slogan, érigé en valeur suprême de l’organisation ? Pourquoi tant de procédures complexes et de dispositifs de contrôle se superposent-ils pour faire fonctionner une organisation ?
On est entré dans le cercle vicieux de l’absence de confiance. En plus des contraintes législatives, règlementaires, financières, ou liées à la sécurité, à la traçabilité, à la qualité, on soupçonne (même inconsciemment) a priori chaque collaborateur :
- sur ses intentions (« il veut tirer la couverture à lui »),
- sur ses compétences (« il pourrait faire plus et mieux»),
- sur son intelligence (« il n’est pas assez intelligent pour définir sa procédure de travail»),
- sur son intégrité (« il veut profiter du système»).
Dès que les motivations de quelqu’un sont suspectées, tous ses actes sont perçus comme douteux.
Mahatma Gandhi
A partir de là, l’engrenage se met en place : l’énergie qui aurait dû être dépensée positivement va être utilisée pour faire face à ce surcroît de travail et pour se protéger ou se défendre. On fait « bureaucratiquement » son travail ; on observe alors des comportements passifs ou agressifs, on dissimule, on ment (par omission parfois), on hésite, on prend des précautions, peut-être même qu’on sabote…Non-dits et rumeurs développent la « mauvaise » concurrence entre les collaborateurs.
Qu’ont-elles gagné les organisations ? Ce qu’appelle François Dupuy [3], le « désinvestissement émotionnel », c’est-à-dire que le collaborateur met peu de lui-même dans son travail et se tourne vers d’autres priorités ; son travail se limite alors à n’être qu’une ressource pour vivre autre chose de plus motivant, ailleurs.
Une étude Gallup fait état d’une répartition très alarmante : seuls 11% des salariés seraient activement engagés dans leur entreprise, les autres, 89%, seraient désengagés (61%) voire « activement » désengagés (28%).
Contrôle et coercition se justifient alors et se renforcent, alimentant la complexité : indicateurs de performance, systèmes de reporting, notes de service, avec incohérence souvent, … autant de marques de non confiance qui limitent l’engagement, la prise de risques et par là même, la créativité et l’innovation.
Et si on se faisait confiance ?
Plus facile à dire qu’à faire ! Car la confiance ne se décrète pas, elle se construit. Et c’est un exercice complexe : d’abord parce qu’elle concerne chacun dans ce qu’il a de plus personnel et que le fait même de l’évoquer suscite déjà de la méfiance ! Ensuite, parce que la confiance n’est pas tangible et est difficilement quantifiable. Enfin, parce que la confiance doit se construire dans le temps, en profondeur, à tous les étages et ne pas se limiter à un cercle privilégié d’acteurs.
La confiance n’est pas un but en soi, mais elle est un catalyseur qui va permettre à l’organisation de s’engager dans une transformation et passer plus aisément le cap de l’agilité.
Un climat de confiance favorise :
- le développement des personnes
- les relations interpersonnelles, dont la collaboration, la coopération et le développement des partenariats
- l’engagement et la responsabilisation
- le plaisir
- donc la performance individuelle et collective
- la fierté et le sentiment d’appartenance
- la pérennité de l’organisation et de l’emploi
Alors, êtes-vous prêt(e) en tant que collaborateur(trice), membre d’une équipe, manager ou dirigeant(e), à embarquer, pour commencer à bâtir la confiance autour de vous, dans votre équipe ?
En observant l’organisation au travers des échelles sociales [4], je vous propose de commencer à développer la confiance au niveau micro-individuel : le changement, ça commence par soi ! Ce sera le thème du prochain billet (2).
Ensuite, nous nous intéresserons à l’étage des dirigeants, l’échelle méso-sociale et à la confiance organisationnelle (3) : comment créer ce climat de confiance qui entraîne les collaborateurs et leur donne envie d’embarquer aussi ?
Enfin, nous traiterons, vaste sujet, de la confiance à l’étage des équipes et des managers, l’échelle micro-sociale (4) : comment se faire confiance entre membres d’une même équipe ou d’équipes différentes, comment faire confiance à son manager ou bien, en tant que manager, comment faire confiance à mon équipe ?
A suivre…
[1] « La confiance en pratique« , Hervé Sérieyx et Jean-Luc Fallou, Maxima, 2013
[2] « Le pouvoir de la confiance, le facteur qui change tout« , Stephen M.R. Covey, First Editions, 2008
[3] « La faillite de la pensée managériale, Lost in management 2« , François Dupuy, Seuil, 2015
[4] Voir Livre Blanc, « Agiles à tous les étages ! », Véronique Messager, à télécharger ici